(Extrait du livre "Contre La défense de l'ophidisme," Dr Vital Brazil, deuxième édition, 1914, pages 117-121 )
Pour donner une idée de ce venin sur l'homme, nous ne pourrons rien faire de mieux que de transcrire l'observation magistrale relatée par le Dr. Sigaud, dans son excellent livre 'Maladies du Brésil',Paris,1844, à propôs de la folie tentative d'un lépreux pour se délivrer de sa maladie, en se faisant mordre par un serpent à sonnettes. Voici l'observation:
Mariano Joseph Machado né à Rio Pardo, province de Rio Grande do Sul, âgé de 50 ans, était il y a 6 ans aífécté de lêpre tuberculose, (lêpre léontine d'Aliberti) il était depuis 4 ans, à l'hôpital des lépreux de Rio de Janeiro. Ce fut le 3 setembre qu'il en sortit, arme d'un courage héroíque, bien résolu à tenter l'épreuve de la morsure du serpent à sonnettes, malgré les sages et prudents conseils de différents médicins, qui attendaient un succês plus que douteux de dangereux moyen, et qui savaient d'ailleurs, que le malade, selon sa propre déclaration, n'avait suivi que três irrégulièrement les différents modes de traitement qui lui avaient été prescrits, et qu'il était loin d'avoir épuisé la liste des remedes préconisés contre la lêpre, parmi lesquels,le sudorifique (asclepias gigantesca) si recommandé dans I'Inde contre l'éphantiasis. Mariano Joseph Machado, dégofité de l'existence, ne pouvant plus supporter les angoisses d'une horrible maladie se dirige a chez le Dr. Santos, chirurgien, rue Valiongo,n. 61,qui possédait un serpent à sonnettes. C'est là, qu'en présence d'une assistance assez nombreuse et dans laquelle se trouvaient MM. Drs. Maia, Costa, A. F. Martins, Tavares, Reis, etc,etc, le malade subit l'épreuve de la morsure présentant sa main au reptile, avec le plus grand sang-froid, et conservant toute sa présence d'esprit. Mariano était un homme de stature ordinaire, d'une constitution athlétique.
La lèpre léontine arrivée à sa seconde périôde avait rendu la surface du corps insensible au toucher; le tissu cutané, dense et rugueux, était couvert de tubercules peu eleves sans altération,et la face était repoussante par la déformation des traits. Les extrémités des doigts avaient dejà perdu leur forme et l'épiderme se détachait facilement; les ongles s'altéraient, et les doigts étaient contractés. La maladie, n'avait pas cependant anéanti la force vitale ni épuisé entièrement l'énergie d'une constitution robuste. Il existait sous les bras quelques pustules de nature dartreuse, qui établissaient une sorte de complication avec la lèpre léontine. Mariano José Machado avant de tenter l'épreuve declara qu'il agissait de sa propre volonté. Dans une déclaration signée par lui, en présence des assistants, il prend l'entière responsabilité de son acte, et c'est après avoir signé cette formelle déclaration, que sa main droite, introduite à 1'intérieur de la cage, attrapa deux fois le serpent. Celui ci fuit tout d'abord, léchant ensuite la main sans la mordre;mais se sentant serré avec force, au milieu du corps, il mord la main du malade entre l'articulation du petit doigt et l'annulaire avec le métacarpe. La morsure est faite à 11 heures 50 minutes du matin du 4 septembre.
Le malade ne sent pas l'impression des dents, ni l'action immédiate du venin introduit dans la blessure, il ne reconnait qu'il est mordu que par l'avis des observateurs qui l'entourent. La main est de suite retirée de la cage; elle est un peu enfiée; il coule du sang de la blessure; il n'y a pas de douleur; le malade conserve son sang-froid; la respiration et le pouls sont normaux. Cinq minutes aprés il ressent une légère sensation de froid dans la main ; à midi, une faible douleur se localise dans la paume de la main, augmentant en quelques minutes; la main se tuméfie considérablement; en 30 minutes, le pouls devient três fort et plus plein: même tranquillité morale. En 5 minutes engourdissement de tout le corps. A 1 heure et 20 minutes, tremblement par tout le corps, sensibilité au toucher. A 1 heure et .36 minutes, perturbation de l'intelligence, pouls plus frequent; difficulté. dans les mouvements des lèvres; tendance au sommeil; la gorge se resserre ; douleur plus intense dans la main, s'étendant à tout le bras; la tumecfaction de la main augmente. A 1 heure et 40 minutes, douleurs dans la langue et dans la gorge, s'étendant jusqu'á l'estomac; augmentation de douleur et de la tuméfaction de la main mordue; sensation de froid aux pieds. A 2 heures et 5 minutes, difficulté de parler; 20 minutes plus tard, difficulté d'avaler: en peu d'anguisse, sueur copieuse sur la poitrine. A 2 heures et 50 minutes, abbattement, prostration des bras, écoulement de sang par íe nez, agitation, pouls à 96. Sueur générale à 3 heures et 4 minutes, gémissement involuntaires; quelques minutes après, pouls à 100; grande douleur dans les bras, face injectée, épistaxis continuel. A 3 heures et 35 m.,le malade avale sans difficuité de l'eau vineuse, change de chemise: une couleur rougeâtre se manifeste sur tout le corps; un écoulement sanguinolent se declare dans une des pustules placées sous le bras. La couleur devient plus foncée, principalement dans le membre pique; douleur atroce dans les membres supérieurs, ne laissant aucun repôs; gorge resserrée, respiration difficile. A 5 heures et demie pouls à 104, torpeur, urine abondante, salive épaisse, de couleur foncée, prostration musculaire, gémissements, à cause des douleurs, respiration tranquille,pouls plein, plus grande tuméfaction de la main mordue. A 7 heures, somnolence, gémissements; le malade se réveille, se plaignant de fortes douletirs dans la poitrine et la gorge qui lui semble être fermée, émission copieuse d'urine, déglutition plus difficile, salive abondante, continuation de l'épistaxis. On lui fait prendre une boisson composée d'eau, de sucre, et d'eau de vie, qu'il ne peut avaler. A' 8 heures, la sueur cesse, agitation, émission copieuse d'urine. A' 9 1/4, sommeil profond. A 10 heurs on lui fait prendre une infusion de guaco à la dose de 3 cuiilères, avec de l'eau sucrce que le malade refuse de boire ; il prend seulement l'infusion.
L'épistaxis cesse; pouls 108, règulier. On remarque que les tubercules sont deprimes, sur les deux bras et sur la face ayant un aspect érysipelateux. A 10 heures et 20 minutes émission d'urine claire, prés de deux onces, soulagement, sommeil durant quelques instants, diminution des douleurs de la poitrine. Celles ci se déplacent,envahissant les jambes et les pieds, qui s'étaient jusq'alors conserves froids, ainsi que la main mordue; pouls 108; règulier, soif; le malade boit, assis, de l'eau avec facilite. A 11 heures il prend 4 cuillerées d'un fort infusion de guaco;4 d'heure après il urine un liquide colore et continue à boire de l'eau sans difficuité; pouls à 119; bras et main piquée três cedemateux, avec une douleur excessive. A minuit, sommeil, excitation, nouvelle émission d'urine. Une demi-heure après, réveil avec anxiété, cris douloreux; le malade demande la confession et refuse les remedes ; plus tard nouvelle émission d'urine, forte chaleur dans les jambes ; le malade se résout à prendre deux fois l'infusion avec un intervalle d'une demi-heure: continuation des mêmes symptômes. A 2 heures, il prend, assis sur son lit, trois cuillerées d'eau qu'il avale avec difficuité, et, toutes les fois qu'il prendre de l'eau puré la difficuité d'avaler augmente, ainsi que la douleur. A 2 heures et demie, il prend le remede: repos: pouls 110. A 3 heures et demie, urine: repos: dose du remede administrée à 3 heures3/4;pouls 110; mouvements involontaires dans le pouce de la main droite et dans la jambe gauche. A 4 heures émission d'urine: on lui administre à 4 heurs 3/4 une cuillerée de remede; repos: pouls 100: deux émissions d'urine de 5 à 6 heurs: respiration dégagée. A 9 heurs3/4 grande prostation, mouvements convulsifs: diminution d'intumescence des extrémites, et de la coloration rouge de la peau: déglutition três difficile: respiration embarrassée: on lui applique des vésicatoires aux mallets et on lui fait prendre de l'infusion de guaco. A 10 heures 50 minutes diminution des mouviments convulsifs: on lui administre un lavement d'eau de vie. A 10 heures 55 m. les convulsions cessent. A 11 heures le mêrne état: on lui donne par la bouche une once d'huile de lezard qu'il avale três difficilement.
Mort à 11 heures et demie."